Allez faire un tour dans n’importe quel hôpital canadien; il y a fort à parier que ce sont les lettres allumées en rouge du mot URGENCE qui vous sauteront d’abord aux yeux.
Nos hôpitaux ont été conçus comme des établissements de soins de courte durée et leur orientation n’a guère changé au cours des six dernières décennies, soit depuis la création du système canadien de soins de santé. Entre-temps, notre imposante cohorte de baby-boomers est devenue vieillissante et ses besoins en matière de soins de santé sont passés des blessures traumatiques aux maladies chroniques. Aujourd’hui, les aînés canadiens – qui constituent 14 % de la population – représentent 40 % des séjours dans les hôpitaux de courte durée. Comme leurs besoins sont plus complexes que ceux des patients plus jeunes, la durée de leurs séjours hospitaliers est par conséquent plus longue.
De plus, ces besoins complexes font en sorte qu’ils retournent plus souvent dans les hôpitaux. Aux premières lignes d’intervention, les médecins urgentistes déclarent voir davantage d’aînés fragilisés retourner à l’hôpital, observations corroborées dans une étude du CMAJ. Sur plus de 700 000 patients ontariens âgés de plus de 65 ans qui ont participé à l’étude, 12 % ont dû être réadmis dans les 30 jours suivant l’obtention de leur congé. Quarante pour cent des patients souffraient d’au moins cinq affections chroniques comme l’arthrite, le diabète de type 2, les cardiopathies, l’anxiété, la dépression ou le cancer.
L’étude a démontré que les personnes âgées qui avaient obtenu leur congé pour ensuite recevoir à domicile des soins du système de santé étaient les plus susceptibles de nécessiter une réadmission. Ces aînés faisaient aussi les séjours les plus longs à l’hôpital. Quant aux patients qui vivaient dans des foyers de soins de longue durée avant la première admission, ils étaient aussi plus susceptibles d’être hospitalisés une deuxième fois.
Il va de soi que les hôpitaux ne répondent pas adéquatement aux besoins de ces aînés et que l’absence d’autres approches possibles entraîne des inefficiences.
Deux médecins — le docteur George Heckman de l’Université de Waterloo et le docteur Paul Hébert du Centre hospitalier de l’Université de Montréal – ont défini des approches qu’ils croient répondre mieux aux besoins des aînés de santé fragile aux prises avec des maladies chroniques. En compagnie d’autres chercheurs du Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées (RCSPF), ils ont utilisé un ensemble d’instruments d’évaluation mis au point par interRAI, un consortium international de chercheurs et de praticiens, en vue d’évaluer 5 000 personnes âgées dans 10 hôpitaux canadiens.
Les résultats obtenus par ces deux médecins démontrent qu’il est possible de cerner rapidement la fragilité et les besoins complexes des aînés, ce qui permet aux administrateurs d’identifier lesquels parmi les patients âgés développeront des complications à l’hôpital, ceux qui risquent de faire un séjour de longue durée à l’hôpital et finalement, les patients qui sont susceptibles de se retrouver dans un foyer de soins infirmiers.
Les conclusions des docteurs Heckman et Hébert : « La fiabilité des renseignements est une condition fondamentale pour que notre système de santé, et tout particulièrement nos hôpitaux, soit adapté aux besoins des personnes âgées. Un meilleur ciblage des programmes permettra de mieux combler les besoins, tout au long de la vie. ».